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Le Coq Noir dresse sa crête au Québec

Commençons tout de suite par un chiffre empreint d’optimisme, Chianti Classico a enregistré une augmentation du montant des ventes au Québec de 2,8 % par rapport à octobre l’an dernier, un pourcentage qui monte à 5,5 % traduit en dollars canadiens, nouvelle fraîche et officielle émise par la SAQ , la société qui gère le monopole de l’alcool. En regardant les données, on note également que les typologies les plus touchées par les augmentations sont les Riserva et Gran Selezione.

La polyvalence du Chianti Classico et le marché canadien, un article de Valentino Tesi pour Chianti Classico Magazine

Petit retour en arrière, le Québec est l’une des dix provinces qui composent le Canada, la plus grande et la deuxième plus peuplée après l’Ontario avec environ 8 millions d’habitants. Sur la Côte Est, côte Atlantique, fait rare et même unique en Amérique du Nord, le Québec est une région francophone. Le français, deuxième langue officielle du Canada avec l’anglais, y est majoritaire. Les Québécois sont aussi francophones et européens dans leur âme, dans leur mode de vie, dans leur architecture, dans le drapeau, avec le lys de la couronne française.

Une population avec un haut niveau de culture et un fort pouvoir d’achat, deux éléments clés pour le viticulteur désireux d’accroître ses exportations sur ce territoire. C’est la première province canadienne pour le marché des vins italiens, notamment les vins rouges, et il s’agit surtout de la province canadienne où l’on boit le plus, qui a la plus forte consommation de vin par habitant au pays.

Le Canada a toujours été un marché fondamental pour le Coq noir, mais le Québec a quelques particularités qui méritent attention et sur lesquelles j’aimerais m’attarder. Parmi les différentes provinces nord-américaines, c’est celle dont les tendances de consommation sont les plus européennes et où il règne une culture du vin notable.

De manière générale, il ne suffit pas aux Québécois que le Coq noir soit représenté sur l’étiquette ou que le mot « Toscane » y soit imprimé, ils veulent en savoir plus et découvrir en détail le produits et son origine. C’est probablement pour ces raisons qu’il règne une fascination particulière pour les cépages indigènes plutôt que pour les cépages internationaux tels que le merlot/cabernet/chardonnay, car le cépage local et territorial apporte avec lui une histoire, un conte, des racines et des traditions qu’il faut communiquer et comprendre. Une conjoncture qui s’avère être très favorable précisément pour le Chianti Classico, avec son cépage Sangiovese et ceux complémentaires.

Les amateurs de gastronomie et de vin québécois ont une prédilection considérable pour le made in Italy et le made in Toscane. C’est dans ce contexte que la Chambre de Commerce Italienne au Canada (CCIC) s’attache à promouvoir avec minutie tout ce qui concerne les produits alimentaires italiens d’excellence, tant en vin qu’en gastronomie. Un organisme avec lequel j’ai l’occasion de collaborer et qui m’a guidé pour connaître les nombreuses habitudes des Québécois à table.

La Chambre de commerce italienne au Canada a développé un portail dédié aux vins, aux produits authentiques ainsi qu’aux territoires italiens, le site Internet Wine and Travel Italy. J’y réalise des capsules vidéo de « dégustation de Chianti Classico » et j’y publie des articles pédagogiques sur l’histoire et les principales caractéristiques du territoire du Gallo.

Mon attention principale s’est d’abord portée sur les habitudes alimentaires. Les catégories québécoises Gen X et Millenniaux s’évadent souvent de la cuisine locale, pour s’imprégner d’influences étrangères : ambiances asiatiques, européennes, fusion et ethniques, se mélangent et fusionnent pour donner vie à une série de plats et de créations auxquels on n’est probablement moins habitué en Italie. Très attentifs au bio et à l’écologie,  et sensibles au volet pédagogique, les amateurs de vin reconnaissent la valeur et l’autorité des professionnels du secteur, se laissant souvent guider dans l’achat de bouteilles de vin et dans le choix des accords à table.

Ici, en tant que sommelier, je dois cependant insérer une note importante, l’accord mets/vins au Québec, et plus largement hors du Vieux Continent, ne suit pas exactement les règles de base auxquelles nous sommes habitués. La dégustation est avant tout une expérience qui fait intervenir les sens et les émotions, c’est le partage d’un moment privilégié avec ses proches. Gardant toujours ce postulat, le vin comme un aliment doit susciter des sensations agréables avec ses couleurs, ses arômes, avec ses saveurs, il doit fasciner le consommateur et le détail purement technique, dureté versus moelleux, est un accessoire.

J’ai confronté (et débattu) à plusieurs reprises avec le chef Pasquale Vari, l’un des chefs les plus connus et des plus authentiques au Québec, en tant que consultant pour des accords avec le Chianti Classico et j’ai souvent dû adapter ma vision au profil de l’amateur de vin québécois « type ». Du Chianti Classico avec des sushis, avec des plats végétaliens et végétariens, ou encore avec des plats marinés, je vous assure qu’avec les spécificités des typologies, l’alcool, les tanins et les températures de service, j’ai pu insérer notre coq noir bien-aimé dans des accords qu’en Toscane nous aurions qualifiés pour le moins d’audacieux. Le Chianti Classico avec son Sangiovese, tantôt léger et féminin, tantôt sombre et anguleux mais toujours fin et élégant, est probablement le vin rouge le plus apte à affronter tout type de défi sur les marchés étrangers dans le chapitre « accords mets / vins ».

À mon avis, conforté par l’extrapolation des données de vente et le nombre d’entreprises manquantes sur ces marchés, il existe encore au Québec des territoires inexplorés pour le Chianti Classico, d’autant plus que les Québécois aiment l’élégance de ce vin. Un investissement décisif et planifié dans la communication et la formation des agents serait fortement recommandé pour les producteurs désireux d’initier ou d’augmenter les exportations, en raison de l’extrême réceptivité et sensibilité de ces personnes aux présentations de produits, aux sollicitations et à la publicité spécialisée. N’oublions pas que la devise du Québec est « Je me souviens », je me souviens, comme une confirmation supplémentaire que tous les efforts de communication dans cette région ne seront jamais vains.

Valentino Tesi, Meilleur sommelier d’Italie 2019

Valentino Tesi est un sommelier de renom et particulièrement spécialiste des vins Chianti Classico pour lesquels il possède le titre de Premier Maître du Chianti Classico 2019.
Valentino Tesi est professeur sommelier de l’Association italienne des sommeliers. Il est récipiendaire de nombreux prix : Lauréat du trophée Meilleur Sommelier du Vermentino 2017, Meilleur Sommelier de Toscane 2019, Premier Maître du Chianti Classico 2019 et Meilleur Sommelier d’Italie en fonction.